mardi 29 novembre 2005

Docteur Folamour


Quand on change de localité, on change de carnet d'adresses. Rendez-vous est donc pris avec un nouveau gynécologue trouvé dans les pages jaunes. Arrivée en bas de l'immeuble je constate que non seulement, il est gynécologue (diplomé de la faculté de Lyon, interne aux hopitaux de Paris blablabla) mais encore, SEXOLOGUE. Je suis tout à coup impatiente de voir une tête de sexologue. ...çà alors un sexologue! à part quelques images d'épinal dans le cinéma, j'allais voir un vrai sexologue!
Je sonne, j'entre dans un appartement grand siècle. Il est dans le couloir, décrépi, avec une "cliente" (c'est comme çà qu'il appelle ses patientes). Il me serre la main, courbé, presque baveux, m'indique la salle d'attente, me dit de me détendre. Je ne peux pas m'empêcher de penser idiotement que ce vieux monsieur est un lubrique. Je souris un peu crispée et m'exécute. Personne n'attend. ALors je me dis que çà doit être comme chez le psy. Pourtant je ne viens pas pour une consultation sexe. La salle d'attente est chargée, rideaux en velours rouge, bibliothèque avec lecture loufoque (le language des plantes...), canapé, fauteuils, miroir empire et radio branchée sur je ne sais quelle fréquence intello qui crache du free jazz à en faire vomir n'importe quelle femme enceinte. Un jeune couple vient rompre enfin ma solitude un peu pesante. Alors je me dis, "tiens ils sont peut-être là pour une consultation sexe". Je les regarde du coin de l'oeil, j'essaie d'analyser leur style, de me demander quels doivent être leurs problèmes. Mais non, elle, est juste un peu enceinte.Je suis presque déçue. Je n'en peux plus du free Jazz, eux non plus. Peut-être qu'ils pensent que je viens pour une consultation sexe eux aussi.
Enfin mon tour arrive. J'aime pas ce cabinet. Trop chargé. Trop. Des papiers de partout entassés. Sur une ridicule feuille de papier A4, il note des informations en forme de pattes de mouche. "Bon alors vous vous appelez comment? vous venez pour quoi? bien". Je suis obligée de répéter tout ce que je dis, il n'entend rien. Il me dégoute, il ressemble à un crapaud. Comment des gens peuvent venir lui confier leurs problèmes sexuels? "Vous avez quel âge?" Et là je savais plus. Quelque chose entre 28 et 30, mais je ne savais plus exactement. "Vous savez ou vous habitez au moins? oui, mais quelle rue? ". Il me crispe d'un coup. "Excusez moi je change de dizaine, c'est tout mais si vous me demandez ma date d'anniversaire je sais". Et là, le voilà parti dans une tirade sur les gens qui se plaignent, qu'il y a trois milliards de gens qui souffrent sur cette terre...". "Mais de quoi vous me parlez? c'est pas mon problème là immédiatement, moi je suis née en France, voilà c'est comme çà, j'ai pas à me culpabiliser et là actuellement je viens en consultation chez un gynécologue". Il se reprend et poursuit son interrogatoire. J'ai un stérilet. Il est contre les stérilets. Il me sort tous les chiffres, les pourcentages, les effets secondaires. "vous pouvez pas prendre la pillule?". "Non, je l'oublie". Je lui dis que c'est moi qui ait demandé un stérilet. "Je préfère 3% de grossesse avec un stérilet que 99% par mois si j'oublie ma pilule".Il se fige. Il me fait passer à côté. Il fait son travail. Il a la respiration courte. Il souffle. Il me reparle des stérilets. Il vérifie mon stérilet. Il me saoule. Il a un appareil échographique dont il ne sait pas se servir. "J'ai fait un stage la semaine dernière". Il me dit aussi que les hommes politiques sont en dehors des réalités, comme çà. Il me dit encore"quand on a des grains de beauté comme vous il faut consulter un dermatologue tous les ans". Il me prescrit aussi une mamographie. "Quand on a des antécédents familliaux comme vous, je demande une mamographie par an à partir de 30 ans". "Et votre libido, comment va votre libido, parce qu'avec les problèmes que vous avez eus, en général la libido va mal". "Merci çà va, j'en ai à donner à vos clientes si elles n'en ont plus". Il me dégoute. En plus, il me rackette. J'ai envie de partir vite. De l'air. Il m'a donné un coup de vieux. Une mamographie! J'en ai marre de passer des examens tout le temps, pour le moindre truc, pour rien. Tout d'un coup, je regrette Lyon et ses spécialistes. Il n'y a pas d'autres gynéco hommes, je vais devoir me retourner vers les femmes. Elles me font penser à des bouchères. J'ai la nausée.
Photo Ben - Kate in Paris, nov 2005 -

3 commentaires:

Kate Mepp a dit…

salut Carine, merci...quant à moi, j'ai beaucoup apprécié ton dernier post sur votre colloc. Touchant, belle façon de résumer des moments partagés.

Anonyme a dit…

Merci pour cet apercu des visites chez le gyneco. Tellement bien ecrit que j'ai ressenti l'envie de lui en coller une :-P
Je ne peux pas dire que j'avais vraiment realise comment les femmes percevaient leur relation avec les gynecos...
C'est quoi la connection Cat/Carine/Hugo ?

Kate Mepp a dit…

Carine est l'ex colloc de Hugo si j'ai bien compris ( Carine ou Yug pourraient confirmer...). Et sur 69experience, il y a un lien vers son blog. De blog en blog, nous formons la famille blogosphère...