dimanche 2 octobre 2005

No pasaran

Ce week-end, pluvieux, n'a pas particulièrement été exitant, si ce n'est une sortie avec Jo vendredi soir. Et comme je n'ai pas une imagination débordante ces derniers temps, je vous livre un passage de "Juste un peu flou" de Robert Capa (1913-1954), récit de son métier de reporter durant la seconde guerre mondiale.
Accoudé au zinc d'un bar parisien après la libération, enivré par l'alcool, Capa nostalgique, se souvient de l'exode des républicains espagnols, qu'il avait photographié pour Life.
"En janvier 1939 quand les faschistes avaient pris Barcelone, les cent cinquante kilomètres de route en Barcelone et la frontière française avaient été envahis par tous ceux qui fuyaient les légions étrangères de Franco. Des intellectuels et des ouvriers, des paysans et des commerçants, des mères, des femmes, des enfants, avaient suivi ou devancé les derniers véhicules de l'Armée Répubilicaine en déroute, avec leurs baluchons sur le dos, leurs pieds en loques, ils avaient marché vers la France de la liberté démocratique.
Les journalistes avaient écrit leurs articles, j'avais pris des photos mais cela n'interressait personne ou presque, et quelques années plus tard, des milliers d'autres être humains en fuite avaient couru sur des milliers d'autres routes et s'étaient fait tuer, devant les mêmes troupes et les mêmes croix gammées.
Les gendarmes français avaient acceuilli les réfugiés espagnols à bout de forces avec l'indifférence cruelle des gens bien nourris et bien au chaud. Un par un les réfugiés espagnols avaient gagné la frontière, leur exode protégé par l'arrière-garde de l'Armée républicaine, c'est-à-dire par les quelques milliers de soldats qui formaient la brigade de Madrid. Ils avaient combattu du premier jour jusqu'à la fin, mais quand le dernier civil avait franchi la frontière française, les soldats avaient bien dû passer eux aussi. Leur commandant, le général Modesto, était resté sur son cheval blanc à la frontière. Toute la brigade avait défilé devant lui à la lumière des torches vacillantes. Leurs fusils étaient astiqués et brillants, leurs têtes hautes mais leurs yeux brillaient de larmes à la lueur des flambeaux. Dépassant leur général, ils avaient serré le poing, levé le bras droit et crié: "Ya volveremos...nous reviendrons!"
Les gendarmes français, surpris, avaient levé spontanément leurs bras et salué. Mais plus tard la brigade toute entière avait été emmenée dans les camps d'internement."
Je ne me souvenais plus bien de cette guerre. La République était proclamée depuis 1931 (dictature de Primo de Riviera auparavant). Le conflit éclate en février 1936, à la suite d'élections législatives remportées par les forces de gauche regroupées en un front populaire. Les forces d'opposition, n'acceptant pas le scrutin, se soulèvent emmenées par Franco. 100 000 volontaires envoyées par l'Allemagne et l'Italie viennent renforcées les armées phalangistes. 35 000 de tous pays confondus, celles des Républicains. 400 000 morts à la fin de la guerre civile en mars 1939. 500 000 espagnols républicains ont traversé la frontière française en plein hiver. Acceuillis fraichement, ceux-çi ont été internés sommairement dans des baraquements montés à la hâte. L'entrée en guerre de la France leur a rendu leur liberté, les français valides partaient au front et il fallait de la main d'oeuvre.
J'ai beaucoup aimé ce bouquin, j'ai admiré son auteur. Une vie incroyable, un courage, une bravoure impressionnante. Il a couvert cinq conflits majeurs entre 36 et 54, aux côtés des belligérants, le nez dans la boue, la trouille au ventre, l'estomac dans les tallons...Le récit du débarquement sur les plages françaises est poignant. J'avais la respiration courte, le coeur battant. J'avais peur pour eux.
"Le correspondant de guerre tient son sort-et sa vie- entre ses mains, il peut parier sur ce cheval-ci ou sur ce cheval là, ou remettre sa mise dans sa poche à la dernière minute. Je suis un joueur. Je décidai de partir avec la compagnie E dans la première vague d'assaut". Robert Capa est mort le 25 mai 1954 en Indochine. Il accompagnait un convoi de l'armée française. Il s'est un peu écarté de la route pour photographier un groupe de soldats. Là, il mit le pied sur une mine antipersonnelle.
Photo Kate - Anonyme, Café 203, Lyon, juin 2001 -

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Fantastique Capa mais Gerda Taro, avec qui il a eu une romance, est souvent dans son ombre !
Bien à toi Kate.