jeudi 4 septembre 2008

8 millions de chiens, 56 loups

Chien très méchant - Biograd, Croatie, août 2008

Dans « l’homme à l’envers », roman de Fred Vargas se déroulant dans le Mercantour, l’auteur pose laconiquement un fait : « 9,5 millions d’ovins, 40 loups ».
« 9,5 millions d’ovins, 40 loups » me suis-je répété.
9,5 millions d’ovins, 40 loups.
Et les éleveurs qui bêlent à la moindre attaque pour des tirs de prélèvements.
Je me rappelle, lorsque j’étais enfant, il y avait souvent des histoires de brebis égorgées dans les alpages. Mais à l’époque ce n’était pas les loups…c’étaient des chiens que des promeneurs sans vergogne n’avaient pas tenus en laisse, pire que des voyous ! Et quel scandale tous ces étrangers venus piétiner nos pâturages, arracher nos edelweiss et nos sabots de vénus, lâcher leurs chiens sur nos faibles petits agneaux sans défense ! On avait même droit à un rappel à la morale de la part de l’instit tout retourné qu’il était de ces tragédies montagnardes.
Depuis 1992, date de réapparition des loups, plus de chiens égorgeurs. Non, non çà n’existe plus. Et plus de promeneurs indisciplinés non plus ! 8 millions de chiens, 56 loups mais depuis 1992, que des chiens exempts du gène égorgeurs d’ovins ou de bovins à défaut d’autres espèces…
Le seul paradis des loups reste les Abruzzes. Près de 70 y vivent en paix (jusqu’à 200 selon les sources), en parfaite cohabitation avec les bergers qui ne pratiquent bien évidemment pas le pastoralisme sauvage. Le troupeau est toujours accompagné de chiens et d’un berger et les animaux sont parqués la nuit. Canis lupus italicus est d’ailleurs considéré depuis plus de 15 ans comme « patrimoine de l’Etat ». Les italiens en sont fiers et les pleurent même quand ils viennent à se faire écraser par les trains. Peut-être que la louve nourricière de Romulus et Rémus n’est pas étrangère à cette cohabitation respectueuse.
Cette situation transalpine ne nous fait pourtant pas douter de nos méthodes pastoralistes forcément les meilleures du monde dans le pays des Lumières.
Et pourtant ! La filière ovine, concurrencée par celle de la Nouvelle Zélande et de l’Australie est en pleine crise. Les éleveurs ovins sont les plus pauvres du secteur agricole avec des revenus entre 600 et 900 euros mensuel. Et il n’y a plus que 6,5 millions de têtes (71% de moins qu’en 1979) loin derrière l’Espagne (16,7 millions) et l’Angleterre (15,7 millions).
Alors tout ce foin autour des loups n’était il pas symptomatique d’une profession aux abois qui se cherche un porte-voix pour montrer qu’elle existe encore.

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